
La dégradation accélérée de la situation sécuritaire en Haïti, marquée par la violence des gangs armés, menace aujourd’hui l’effondrement total du système de santé. Dans la capitale, véritable épicentre de la crise, les groupes armés ont pris le contrôle des principaux axes logistiques, bloquant les chaînes d’approvisionnement médical et exposant des millions d’enfants à des risques accrus de maladie, de malnutrition et de mortalité. L’UNICEF alerte sur la gravité de la situation, affirmant que six hôpitaux sur dix ne sont plus fonctionnels dans le pays.
Ce blocus ne concerne pas seulement les médicaments : des conteneurs remplis de fournitures vitales – kits néonatals, vaccins, matériel de premiers soins – sont soit pillés, soit immobilisés dans les ports et entrepôts de Port-au-Prince, autrefois centre logistique du pays. Même si les vols humanitaires ont timidement repris, les capacités sont insuffisantes pour répondre à la demande croissante, tandis que les entrepôts de médicaments sont aujourd’hui considérés comme des cibles dans cette guerre urbaine.
À cette crise logistique s’ajoute une crise humaine sans précédent. Plus de 160 000 personnes déplacées ont fui les violences armées, surpeuplant les zones du Sud déjà fragiles. Le personnel médical n’est pas épargné : près de 40 % des soignants ont quitté le pays ou abandonné leurs postes, contraints par les menaces directes sur leur vie. En parallèle, le pays fait face à une flambée de choléra, à une insécurité alimentaire aiguë touchant plus d’1,6 million de personnes, et à la résurgence de maladies saisonnières aggravée par l’arrivée des pluies.
Dans ce contexte alarmant, l’UNICEF tente de réagir. Grâce à un pont aérien humanitaire soutenu par l’Union Européenne et opéré depuis le Panama par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), 38 tonnes de fournitures médicales ont été livrées entre les 18 et 21 mai via le nouveau centre logistique de Cap-Haïtien. Cette initiative vise à contourner la paralysie de la capitale, mais reste largement insuffisante face à l’ampleur des besoins sur le territoire national.
L’organisation plaide pour une mobilisation urgente des autorités haïtiennes et de la communauté internationale afin d’éviter le pire. « Nous ne pouvons pas permettre que des fournitures vitales restent bloquées pendant que des enfants meurent faute de soins », a déclaré Bruno Maes, représentant de l’UNICEF en Haïti. Dans un pays où les crises se superposent, la santé publique devient la prochaine victime silencieuse de l’insécurité. Sans un changement immédiat, c’est toute une génération qui risque d’être sacrifiée.