
Alors que le pays s’enfonce chaque jour davantage dans le chaos, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) s’entête à vouloir organiser un référendum constitutionnel dont la légitimité, la pertinence et la faisabilité sont profondément mises en doute. Dans un contexte où la vie humaine ne tient qu’à un fil, où la misère, le chômage et la violence armée dictent le quotidien, cette initiative ressemble davantage à une provocation qu’à une solution.
Haïti est en guerre. Une guerre non déclarée mais bien réelle, menée par des gangs lourdement armés, enracinés dans les quartiers populaires, et souvent soutenus par des secteurs puissants du monde économique et politique. Ces forces obscures, qui ont utilisé la violence comme levier de pouvoir, continuent de semer la terreur pendant que l’État s’efface et que les citoyens fuient, se terrent ou meurent. Dans ce contexte, quel peuple libre et informé peut réellement participer à un débat constitutionnel éclairé ?
Des centaines de millions engloutis dans l’opacité
Le scandale n’est pas seulement moral. Il est aussi financier. Plusieurs centaines de millions de gourdes ont déjà été engagées dans cette initiative, dans un pays où des enfants meurent de faim, où les écoles ferment par dizaines, où les hôpitaux n’ont ni médicaments ni personnel, et où les routes ressemblent à des champs de ruines.
Le peuple haïtien n’a rien demandé. Il réclame la sécurité, la nourriture, l’éducation, le droit à la dignité. Pas une énième manipulation institutionnelle au service d’intérêts partisans. Il est inacceptable que des ressources publiques, si rares et si précieuses, soient dilapidées dans un projet qui n’inspire confiance ni au peuple, ni même à certains membres du CPT, dont les désaccords internes trahissent l’absence de cap réel.
Une mascarade à haut risque
Dans l’histoire récente du pays, les réformes constitutionnelles ont trop souvent été instrumentalisées par ceux qui rêvent de concentrer le pouvoir ou de prolonger leur règne sous couvert de modernisation. Or, sans consensus national, sans débat public sérieux, et sans sécurité minimale, un référendum devient une mascarade démocratique, une opération de façade destinée à donner une légitimité illusoire à un projet opaque.
La vraie réforme attendue : la rupture avec le système de mort
Ce dont Haïti a besoin aujourd’hui, ce n’est pas d’un nouveau texte constitutionnel imposé par une élite déconnectée, mais d’une rupture claire avec le système de mort, de corruption et d’impunité qui détruit les fondements mêmes de la République.
Il faut d’abord désarmer les gangs, démanteler les réseaux mafieux politico-économiques, redonner de l’espoir à la jeunesse, rétablir les institutions, créer de l’emploi, garantir la liberté de circuler et de penser. Ce n’est qu’alors qu’une réforme constitutionnelle pourra être envisagée, débattue et adoptée par un peuple souverain, et non sous l’emprise de la peur.
Une génération debout, pas un peuple piégé
Organiser un référendum aujourd’hui, c’est piéger le peuple haïtien dans une mise en scène politique qui ne répond à aucune de ses urgences vitales. C’est détourner son attention des vraies luttes, c’est camoufler l’incapacité du leadership à rétablir l’ordre, et c’est prolonger le supplice d’un pays qui mérite enfin justice, paix et dignité.
À ceux qui, au sein du Conseil de Transition, dans les cercles d’influence ou dans les chancelleries, croient qu’une nouvelle Constitution changera le destin d’Haïti sans transformation sociale réelle : vous vous trompez lourdement.
L’histoire vous regarde.